
Groupes de luxe et développement durable : deux poids, maintes mesures
by Clara Fornairon, éditrice free-lance
Fin 2017, LVMH abreuve ses followers Instagram de posts liés à l’engagement du groupe français pour la protection de la planète. Cela fait pourtant plusieurs années que le premier groupe mondial de luxe s’est engagé en faveur de l’environnement, mais 2017 marque les 25 ans de cet engagement. A travers les hashtags #FUTURELIFE et #LIFE2020, et le programme LIFE (LVMH Initiative For the Environment), LVMH annonce son intention de doubler son fonds carbone interne à horizon 2020. Cela signifie que pour chaque tonne de CO2 produite, le groupe investit 30€ dans des projets dédiés à la protection environnementale, via un fonds d’investissement créé en 2015. Si l’initiative est annoncée sur Instagram à coup de posts quotidiens mettant en scène les collaborateurs du groupe acteurs du luxe éthique, elle reste représentative de l’intégration de l’impératif écologique par les marques de luxe. Le groupe, leader de son secteur, a choisi d’en faire une promotion à son image, influente.
Plus discret, Hermès œuvre depuis longtemps dans l’ombre pour le respect des hommes et de l’environnement grâce à sa fondation d’entreprise, au discours aussi rodé que la fabrication d’un Kelly. La Fondation d’Entreprise Hermès a vu le jour en 2008, soit beaucoup plus tard que le programme LIFE d’LVMH. Dans son rapport annuel de 2017, le sellier fête les 10 ans de sa fondation et rappelle ses objectifs : valoriser l’artisanat, transmettre les savoir-faire tout en protégeant nos ressources et notre planète. Pour ce faire, de nombreux programmes ont été mis en place, dont deux ont particulièrement attiré notre attention.
MANUFACTO, lancée à la rentrée 2016 en partenariat avec l’Education Nationale, entre autres, vise à « valoriser les métiers artisanaux auprès des jeunes générations ». Des artisans se sont ainsi rendus dans une quinzaine d’écoles, collèges et lycées de la banlieue parisienne au sud-est de la France afin de faire découvrir et valoriser leurs savoir-faire, avec la complicité des professeurs. A travers ce programme, réalisé sur une année scolaire, la marque séculaire éduque au respect tout en incitant les vocations, promouvant à la fois sa cause et celle de l’artisanat. Au même titre que lorsque la fabrication d’un Birkin est confiée à une personne en réinsertion sociale – Hermès est depuis longtemps investi pour la réinsertion par le travail – l’ouvrage est valorisant à la fois pour la marque, pour l’objet fabriqué et pour celui qui le créé. Pour la Fondation Hermès, « Nos gestes nous créent », et cet adage ne s’incarne jamais autant que dans l’apprentissage de la création, accompagnée par des professionnels expérimentés. En 2016, le rapport annuel de la Fondation avait d’ailleurs choisi pour devise les mots suivants : « Rendre possible ». Par l’éducation, la transmission et la mise en valeur du savoir-faire français, Hermès semble se positionner en véritable acteur de la sauvegarde de notre patrimoine immatériel. Le sellier, par le biais de sa fondation, prolongement naturel de la marque et de son expérience, assoie sa légitimité en matière de protection environnementale et d’investissement social via un programme mis en place en 2017 : H3. Celui-ci permet aux collaborateurs de la marque d’investir dans les organismes qu’ils soutiennent déjà à titre personnel. Responsabiliser son personnel tout en mettant en avant son propre engagement, Hermès fait une nouvelle fois figure de précurseur. Au-delà d’une vulgaire réduction d’impôt, la marque ose en proposant à ses employés de valoriser leur investissement personnel, en soutenant des projets qui vont de la sauvegarde de l’Association Française des éleveurs de chèvres cachemire à la professionnalisation de la broderie auprès des femmes au cœur des bidonvilles indiens, en passant par la plantation de corail sur les récifs japonais. Hermès tient ainsi à asseoir son combat pour l’artisanat, français et international, car la marque sait depuis très longtemps aller chercher les meilleurs artisans si elle ne les trouve pas en France, et pour la protection de la planète. Ainsi, la Fondation a aidé aux financements de plus d’une vingtaine de projets depuis le lancement de H3. Si ce type de programme fait réfléchir quant au rôle de l’entreprise dans l’engagement personnel de ses collaborateurs, il n’en reste pas moins intéressant sur la valorisation de l’investissement personnel dans le monde du travail. Et achève de faire de la Fondation Hermès un leader certes discret, mais jamais modeste dans la lutte.
Hermès Hors les Murs se tiendra cette année à Lyon, du 20 juin au 1er juillet 2018. Cette opération annuelle, déployée cette année en province – une première – a pour but de faire découvrir l’artisan derrière le géant français de la maroquinerie. Et, qui sait, de faire naitre des vocations.